LA PAUVRETÉ QUI NE FAIT PAS MAL
Il existe une pauvreté-vertu, pauvreté choisie, et il existe une pauvreté qu’est misère forcée. La première elle humanise et rend libre ; la misère forcée déshumanise, parfois elle abrouti et même elle mène à la délinquance ; à la misère économique s’y ajoute facilement la misère culturelle et morale.
La béatitude de la pauvreté occupe le premier rang, aussi bien chez Lc 6,20ss que chez Mt 5,3ss. Mais elle n’a pas le même sens ni la même formulation chez les deux évangélistes. Chez Luc, probablement plus proche de la pensée de Jésus, on déclare bienheureux les pauvres parce qu’ils laisseront de l’être grâce à une prompte intervention de Dieu en leur faveur ; il laisse comprendre que cette situation n’est pas voulue par Dieu. Dans ce sens, l’archevêque Claret, en constatant la misère dont vivaient grand nombre de prêtres, à Cuba, il intervint auprès de la Reine et du Gouvernement afin de leur assigner un salaire digne : « afin que (le clergé) agisse comme il se doit et on exige de lui, il est nécessaire qu’il n’ait pas à mendier ou à réclamer la sustentation par des moyens peu honnêtes » (EC I, p.608).
Chez Mt 5,3 l’expression « pauvres en esprit » ne décrit-elle pas une situation sociologique, mais un détachement volontaire. Option laquelle seulement peut adopter celui qui est très riche en esprit ». Saint Paul parlait de son indifférence face au rassasiement ou à la faim, indifférence dû à ce que « tout le peut Celui qui le réconforte » (Phi 4,13). Claret va faire une confession très semblable : « Vous, vous êtes pour moi très suffisant » (Aut 445). Celui qui possède cette particulière richesse peut se définir comme Saint Paul et ses collaborateurs : ils vivaient « comme ceux qui n’ont rien, mais possédant tout » (2 Cor 6,10).