FORCE PERSUASIVE DE LA PAUVRETÉ
La suite de Jésus, imitant son comportement, ce fut pour Claret presque une obsession tout au long de sa vie. Mais pas à toutes les époques eut les mêmes accents ni revêtit la même forme. Lorsqu’il sera évêque diocésain de Cuba ou président de l’Escurial il faudra qu’il donne vie à une série d’institutions et desservir des œuvres sociales et culturelles qui vont lui exiger de réaliser des calculs et bilans…maniant beaucoup d’argent.
Mais à son époque de missionnaire itinérant en Catalogne et aux Canaries n’existaient pas de telles complications. Sa seule préoccupation était d’avoir tout le temps disponible pour prêcher, et – volant du temps au sommeil- écrire opuscules et des volants qui puissent prolonger sa prédication. Libéré de tout autre attachement, il avait seulement besoin de l’élémentaire : la nourriture et le vêtement. Et même pas ces choses-là le préoccupait, car il vivait la consigne évangélique de « ne soyez pas inquiets pour ce que vous mangerez, ce que vous boirez, avec quoi vous allez vous vêtir » (Mt 6, 31). Dans les Constitutions pour ses Missionnaires il reproduisit la sentence évangélique « ne vous procurez pas ni or, ni argent, ni menue monnaie » (Mt 10,9)
Et c’est parce que dans tout ça, Claret non seulement faisait l’expérience de la joie d’imiter Jésus, mais qu’il perçut une grande efficacité apostolique qui constituait une autre de ses obsessions. Au début de chaque mission populaire il avisait l’auditoire quelles étaient ses motivations et quelles ne l’étaient pas ; il excluait par exprès toute recherche de prestige, plaisir ou argent. Ceci donnait à sa parole un grand pouvoir de persuasion. Personne ne put le confondre avec un charlatan de foire. Des siècles auparavant Socrate, cet insurmontable génie de l’éthique, affirmait « de ce que je suis en train de dire la vérité je présente le meilleur, le plus digne de foi des témoins : ma pauvreté et celle des miens » (Platon, Apologie de Socrate).